
Yaoundé, 08 juin 2025 (CAPnews) – Monica Macias incarne la sérénité paradoxale des survivants. Fille du premier président de Guinée équatoriale, Francisco Macias Nguema, son destin bascule en 1979 : envoyée à sept ans à Pyongyang sous la protection de Kim Il Sung, elle devient pupille du régime nord-coréen après l’exécution de son père. Loin des clichés sur l’« hermétique » Corée du Nord, elle décrit une adolescence structurée à l’École révolutionnaire de Mangyongdae, où discipline rime avec camaraderie et conversations téléphoniques avec le « Grand Leader ».
L’abandon et la renaissance
L’ombre d’une absence plane pourtant : celle de sa mère, disparue après l’assassinat de son époux. « Les visites maternelles étaient pour les autres », confie-t-elle, évoquant une cicatrice indélébile. À la mort de Kim Il Sung en 1994, elle entame un périple identitaire vers l’Espagne, puis New York et Séoul. Commence alors un travail de mémoire acharné : déconstruire l’image du père, tyran pour l’Occident, héros indépendantiste pour Pyongyang, et affronter le puzzle éclaté de ses origines.

Réhabilitation par l’écriture
Son arme ? La plume. Ses mémoires Black Girl from Pyongyang (2023) bouleversent les récits établis. S’appuyant sur des milliers de témoignages, elle y dénonce un complot colonial contre son père : « On a détruit sa réputation pour justifier son assassinat. Dictateur ? Oui. Criminel de masse ? Non. » Cette quête la confronte à un dilemme : Africaine élevée en Asie, socialiste en terre capitaliste, elle incarne l’intersectionnalité déroutante. « En Espagne, j’ai découvert ma nord-coréanité », souligne-t-elle, décrivant un choc culturel révélateur.
La synthèse des contraires
Refusant les dualismes simplistes, Monica Macias érige son hybridité en philosophie : « Aucun système n’est moralement pur. » Professeure à Londres, elle assume ses contradictions : privilège d’enfant de chef d’État contre stigmatisation raciale ; loyauté envers Pyongyang sans adhésion à ses excès. « Le privilège n’invalide pas l’analyse », clame-t-elle face aux détracteurs. Sa visite en Corée du Nord en 2004, malgré la famine et l’isolement, scelle une fidélité viscérale : « Cette ville est mon socle. »

La paix des braves
L’apaisement surgit de l’intelligence historique. Sur l’exécution paternelle : « Victime d’ennemis multiples, mais je ne hais pas. » Quant à sa mère, jadis qualifiée d’« étrangère », la compassion a vaincu le ressentiment : « L’âge enseigne l’empathie. » Si l’écriture fut cathartique, elle reconnaît que « l’omission fut la plus cruelle ». Pyongyang lui légua l’essentiel : l’éthique.
Enquête réalisée par Sheriff Bojang Jnr de Report Africa