Yaoundé, 09 juillet 2025 (CAPnews) – Alors que l’UNESCO s’apprête à trancher le sort des deux sites le 11 juillet 2025, le face-à-face entre Diy-Gid-Biy et Carnac transcende la simple compétition patrimoniale. Ces géants minéraux incarnent des chapitres opposés de l’ingéniosité humaine : d’un côté, les 16 structures de pierre sèche de Diy-Gid-Biy (XIIᵉ-XVIIᵉ siècle), véritables forteresses spirituelles érigées face aux sécheresses du lac Tchad, témoignent de la résilience africaine. De l’autre, les alignements bretons, nés entre 4 500 et 3 300 av. J.-C., déploient 3 000 menhirs comme un traité d’architecture néolithique européenne. Leur candidature simultanée, Carnac sur la liste indicative depuis 1996, Diy-Gid-Biy déposée en janvier 2024, symbolise un rééquilibrage historique des récits patrimoniaux, longtemps dominés par l’hémisphère Nord .

Urbanisation vs terrorisme, deux menaces pour une même urgence
Si Carnac affronte l’urbanisation galopante, comme en témoigne la polémique récente sur la destruction de 39 menhirs pour une zone commerciale, Diy-Gid-Biy lutte contre l’insécurité liée à Boko Haram. En Bretagne, les menhirs, jadis débités pour construire églises et routes, sont désormais protégés par des clôtures et un accès régulé. Dans les monts Mandara, le site subit une « saignée silencieuse » : blocs de pierre volés pour reconstruire des villages incendiés (comme Mondossa en 2020), et cultures empiétant sur les terrasses cérémonielles. Pourtant, une convergence émerge : Carnac mise sur l’éducation (ateliers de levage de menhirs) pour sensibiliser le public, tandis que Diy-Gid-Biy forme des « sentinelles patrimoniales » mafa contre le pillage.

De la légende druide aux sacrifices pour la pluie
À Carnac, le folklore local perpétue des récits de temples druidiques ou de camps romains, des interprétations fantaisistes dénoncées par Flaubert lui-même. À Diy-Gid-Biy, les rituels mafa maintiennent un lien tangible avec le sacré : sacrifices de chèvres sur les mbuloms pour appeler la pluie, célébrations du Maray (fête du taureau) dans l’amphithéâtre de DGB-1. Cette vitalité culturelle, bien que distincte, confère aux deux sites une authenticité exceptionnelle. L’UNESCO devra trancher : faut-il privilégier la monumentalité énigmatique de Carnac, ou la pérennité des pratiques spirituelles de Diy-Gid-Biy, où chaque pierre est habitée par les esprits ancestraux ?
Une candidature autonome pour corriger les déséquilibres
Contrairement aux premières propositions, Diy-Gid-Biy présente désormais une candidature autonome, distincte du site nigérian Sukur. Ce revendication d’indépendance patrimoniale est cruciale : une inscription ferait de Diy-Gid-Biy le premier site culturel camerounais classé par l’UNESCO, après la réserve naturelle du Dja et la Trinationale Sanga. Alors que l’Afrique subsaharienne ne compte que 98 biens inscrits (8,47 % du total mondial), ce classement corrigerait un déséquilibre historique. Dans une région minée par Boko Haram, il deviendrait un symbole de fierté résiliente, à l’image des bâtisseurs qui, au XVᵉ siècle, transformèrent la pierre en rempart contre les crises climatiques .
Prochain article : L’Épilogue
Le 11 juillet, quand l’UNESCO examinera ces deux géants, elle ne jugera pas que des pierres, mais deux visions de l’humanité : l’une, née avec l’architecture monumentale en Europe ; l’autre, forgeant la beauté dans l’adversité africaine. Diy-Gid-Biy, désormais candidat autonome, incarne plus qu’un site, un manifeste pour la diversité des mémoires mondiales.
