Autre fois le Mbolé était considéré comme la musique des voyous. Aujourd’hui, ce rythme s’impose à l’échelle nationale et internationale. Qu’est ce qui peut expliquer ce succès ?
L’essoufflement du Makossa et du Bikutsi a laissé un champ de friche. Les générations de chanteurs se sont responsabilisées parfois occidentalisées mais aussi elles ont vieillies. Le monde quant à lui est inscrit dans une société du spectacle selon Guy Debord et la consommation effrénée est ce qui la caractérise. Il faut donc être d’actualité, up-to-date et le numérique en a fait un cheval de bataille de nos jours. Le Cameroun n’est donc pas exempt de cette situation. Le Mbolé qui fut une dynamique musicale à petite échelle a gagné en sympathie. Bouchant ces champs de friche laissés, aussi bien dans les veillées, les célébrations de transition statutaire que celles d’envergure locale. L’exposition dans les réseaux sociaux de ces prestations a construit et suscité l’intérêt des mécènes et promoteurs culturels. Ces derniers ont utilisé leurs mécanismes pour faire voyager certains produits de la sélection du Mbolé, comme Happy d’Effoulan et Petit Bozard. Les featurings avec d’autres artistes des rythmes Makossa et Bikutsi, ont également été un tremplin pour cette nationalisation et cette internationlisation du Mbolé.
Le Mbolé n’est pas seulement une musique de rue, il transmet désormais un message à la société, Comment expliquez-vous ce changement de cap ?
La rue qui voit et fait naitre le Mbolé n’a pas totalement disparu de ce rythme. Elle s’est retranchée dans le vestimentaire et les scènes de tournage des vidéogrammes avec leurs figurants. Si les thématiques ont évolué, elles ne l’ont pas été pour tous ceux de ce microcosme. Seuls ceux qui ont quitté la sphère nationale ont revu leurs thématiques au point de porter un véritable message : la paix, l’unité. D’autres locaux moins connus ont également un message, mais dans l’ensemble ceux-ci sont absents ou subliminaux. « Le car qui part » qui sait de quoi il s’agit réellement ?
Le Mbolé pourrait-il un jour devenir un patrimoine national ?
le Mbolé est ce qu’on peut appeler un rythme syncrétique, c’est-à-dire le produit de plusieurs rythmes propres à des communautés et autres terroirs du Cameroun à l’instar du Benskin, Bikutsi, Esséwé. Cette nature hybride porte les germes de son non classement au patrimoine camerounais. Un patrimoine respecte des éléments de sécularité, d’ancrage culturel et naturel. Le Mbolé est un métis dont tout le monde peut se prévaloir d’avoir été le géniteur. Tout comme il peut s’en dédouaner et crier au travestissement de ce qu’on nomme la typicalité d’un terroir ou d’une culture.
Une belle discussion. Je prendrai en compte ce travail hautement scientifique.