
Yaoundé, 03 juillet 2025 (CAPnews) – Les fouilles menées depuis 2001 ont mis au jour un véritable trésor archéologique qui révolutionne notre compréhension des réseaux commerciaux précoloniaux. Parmi les découvertes les plus fascinantes figurent des perles de verre vénitiennes et des fragments de cuivre dont l’analyse spectrographique révèle une provenance lointaine, probablement des ateliers du bassin méditerranéen et des mines du Tibesti. Ces artefacts, datés du XVe siècle, témoignent de l’intégration de Diy-Gid-Biy dans les vastes réseaux d’échanges transsahariens qui reliaient alors l’Afrique subsaharienne au monde méditerranéen.
L’étude stratigraphique du site DGB-2 a révélé une séquence culturelle particulièrement riche. Dans les couches correspondant à l’apogée du site (XIVe-XVIe siècles), les archéologues ont exhumé des pointes de flèches en fer de facture wandala, ainsi que des tessons de poterie présentant des motifs géométriques similaires à ceux trouvés dans les ruines de Sukur, au Nigeria voisin. Ces découvertes confirment que Diy-Gid-Biy était bien plus qu’un sanctuaire isolé. C’était un carrefour culturel où convergeaient les influences du lac Tchad et de la boucle du Niger.
Le rôle géopolitique des bâtisseurs de pierre
L’analyse architecturale des structures DGB révèle une sophistication qui dépasse la simple fonction défensive. Les silos enterrés d’une capacité exceptionnelle (jusqu’à 20 tonnes) et les systèmes de collecte d’eau sophistiqués suggèrent que le site jouait un rôle clé dans le stockage des richesses agricoles de la région. Les dernières datations au carbone 14 indiquent que cette période correspond à l’expansion du royaume wandala, avec lequel Diy-Gid-Biy entretenait visiblement des relations complexes, alternant entre conflits et alliances commerciales.
Les artéfacts métalliques découverts sur place, notamment des haches cérémonielles et des parures en alliage cuivreux, témoignent d’une maîtrise avancée de la métallurgie. La présence de ces objets précieux, souvent associés à des sépultures d’élite, suggère que Diy-Gid-Biy était le siège d’une chefferie puissante », selon un spécialiste des cultures mandara. Ces dirigeants contrôlaient probablement les routes commerciales reliant le bassin du lac Tchad aux montagnes du Mandara.

Un patrimoine en sursis : l’urgence de la préservation
Malgré leur importance historique, ces témoignages uniques sont menacés. Les pillages et les fouilles sauvages ont déjà causé des dommages irréparables à plusieurs structures. Des murs entiers ont été démantelés pour récupérer des pierres de construction. Chaque jour qui passe voit disparaître une partie de cette mémoire collective, déplore Alice Biada du ministère camerounais des Arts et de la Culture.
La situation est d’autant plus alarmante que les changements climatiques accélèrent l’érosion des vestiges. Les pluies diluviennes de plus en plus fréquentes lessivent les sols et fragilisent les fondations des structures en pierre sèche. Une étude récente de l’Université de Maroua estime que sans intervention urgente, près de 30% des artéfacts encore en place pourraient disparaître d’ici 2030.
Vers une reconnaissance internationale
Face à ces défis, la candidature UNESCO apparaît comme une ultime chance de sauvegarde. L’inscription au patrimoine mondial permettrait non seulement de protéger le site, mais aussi de révéler au monde entier le rôle méconnu de l’Afrique précoloniale dans les échanges interculturels. Les autorités et les universitaires camerounais misent sur un effet catalyseur pour développer des programmes de recherche ambitieux et former une nouvelle génération d’archéologues.
Les enjeux dépassent largement le cadre académique. En réhabilitant ce chapitre oublié de l’histoire, Diy-Gid-Biy pourrait devenir un symbole de fierté pour toute la région de l’Extrême Nord – Cameroun, montrant comment les sociétés africaines ont su, bien avant la colonisation, tisser des liens complexes à l’échelle continentale. Comme le résume un vieux dignitaire Mafa : « Ces pierres racontent que nos ancêtres parlaient déjà au monde entier, bien avant l’invention des téléphones. »
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