
Yaoundé, 28 janvier 2025 (CAPnews) – En juillet 2022, une commission composée de quatorze membres, dirigée par l’historienne française Karine Ramondy, a été chargée d’étudier le rôle de la France dans la répression des mouvements indépendantistes et d’opposition au Cameroun entre 1945 et 1971. Le rapport final a été remis ce mardi 28 janvier au président camerounais Paul Biya.
Les crimes de guerre de la France
Basé sur des archives déclassifiées, des témoignages et des enquêtes de terrain, le rapport révèle l’implication de la France dans une véritable « guerre » contre les indépendantistes camerounais, qui a causé « des dizaines de milliers de victimes » dans le sud et l’ouest du Cameroun entre 1956 et 1961.
Le rapport souligne que, du côté français, cette période reste une « terra incognita des mémoires sur le passé colonial », tandis que, du côté camerounais, les souvenirs de ces événements restent profondément marqués. Bien que la Commission ne se soit pas prononcée sur la qualification juridique de ces violences comme génocidaires, elle affirme qu’elles ont été « extrêmes » et ont transgressé « les droits humains et le droit de la guerre ».
Une répression impitoyable contre les indépendantistes
Après la Seconde Guerre mondiale, face à la montée du mouvement indépendantiste, les autorités françaises ont intensifié une « répression multiple », incluant des mesures policières, administratives, judiciaires et politiques. À partir de 1955, sous l’autorité du haut-commissaire Roland Pré, cette répression s’est généralisée, conduisant à l’interdiction de l’Union des populations du Cameroun (UPC) et à la clandestinité de ses leaders.
La France a appliqué une « doctrine de guerre révolutionnaire », déjà testée en Indochine et en Algérie, en recourant à des méthodes telles que la torture, les rafles, les arrestations préventives, les ratissages massifs et les déplacements forcés de populations. Des centaines de milliers de Camerounais ont été regroupés dans des camps, qui ont continué à fonctionner même après l’indépendance du pays.
Le rapport met également en lumière la mort de figures emblématiques du mouvement indépendantiste, comme Ruben Um Nyobé, tué par l’armée française en 1958, et Félix Moumié, empoisonné en 1960 à Genève dans ce qui est décrit comme un « assassinat politique impliquant la responsabilité du gouvernement français ».
La guerre continue après l’indépendance
Après l’indépendance du Cameroun en 1960, la France a continué à soutenir la répression des opposants au régime du président Ahmadou Ahidjo afin de maintenir son influence dans le pays. Le rapport souligne que cette date « ne constitue absolument pas une rupture nette avec la période coloniale ».
Il révèle notamment la participation du garde des Sceaux Michel Debré à la rédaction de la Constitution camerounaise, ainsi que la signature de traités bilatéraux permettant à l’armée française de participer au « maintien de l’ordre » dans le pays.
Enfin, le document confirme que « des mitraillages et des bombardements aériens d’habitations dans l’ouest du pays » ont continué après 1960, avec l’utilisation de cartouches incendiaires particulièrement destructrices. Bien que le rapport exclue l’usage de napalm, il détaille les ravages causés par ces opérations militaires.
Ce rapport historique met en lumière un chapitre sombre et méconnu des relations franco-camerounaises, tout en appelant à une réflexion approfondie sur les responsabilités et les conséquences de cette période.