
Yaoundé, 01 juillet 2025 ( CAPnews) – À l’orée des savanes brûlantes de l’Extrême-Nord camerounais, les monts Mandara dévoilent leur trésor le mieux gardé : seize complexes de pierre sèche, surgis entre le XIIᵉ et le XVIIᵉ siècle. Diy-Gid-Biy (DGB) – « l’Œil du Chef » en langue mafa, n’est pas qu’un paysage archéologique. C’est un système nerveux vivant où résonnent encore les prières aux ancêtres, où les murs cyclopéens de DGB-1 (1 680 m²) défient l’érosion et l’oubli. Alors que l’UNESCO s’apprête à trancher son sort le 11 juillet 2025, ce site cristallise les espoirs d’un continent.
Dans l’étreinte minérale des structures DGB, chaque pierre raconte une stratégie de survie. Les escaliers secrets, les silos enterrés et les chambres voûtées révèlent l’ingéniosité de bâtisseurs anonymes confrontés aux sécheresses du XVᵉ siècle. « Ces terrasses monumentales sont des cathédrales dédiées à la résilience », souligne l’archéologue Nicholas David. Les fouilles y ont exhumé des perles de verre venues du Nil et des pointes de flèches en fer attestant d’échanges avec le royaume wandala (Nigéria), preuves d’un réseau transsaharien oublié.

La double menace : terrorisme et modernité
Pourtant, ce legs bimillénaire vacille. À Mondossa, village martyr incendié par Boko Haram en 2020, les pierres des ruines servent désormais à construire des maisons aux toits de tôle. L’érosion ronge le mur nord-est de DGB-1, tandis que les cultures empiètent sur les terrasses cérémonielles. « Le vol de pierres est une saignée silencieuse », déplore le Dr. Datouang Jean Marie de l’Université de Maroua, pour qui l’inscription de DGB au Patrimoine de l’UNESCO est devenu le combat d’une vie.

L’audace d’un pont de paix
L’originalité du dossier tient à sa dimension politique : Diy-Gid-Biy se situe dans le même aire géographique que le site nigérian de Sukur, classé à l’UNESCO en 1999. Des missions archéologiques conjointes (2019-2023), soutenues par la Chine, ont tracé des liens historiques : les ancêtres des Mafa de Moutchikar seraient venus de Sukur. « Inscrire DGB, c’est créer un pont de paix dans une région meurtrie », insiste le chef traditionnel de Kuva, où les sacrifices de chèvres apaisent encore les esprits avant la saison des pluies.

Le 11 juillet 2025 : face-à-face avec Carnac
Tandis que la Bretagne défend les menhirs de Carnac, le Cameroun tend ses sanctuaires de pierre sèche. Deux visions de la mémoire monumentale, deux continents unis par l’urgence de préserver. « Les DGB ne sont pas des ruines, mais des livres ouverts sur la résilience africaine », scande Mme Alice Biada, du ministère des Arts et de la Culture, dans son plaidoyer à l’ICOMOS (International Council on Monuments and Sites). L’ICOMOS est le Conseil international des monuments et des sites, est une organisation non gouvernementale qui œuvre à la conservation et à la protection des sites du patrimoine culturel dans le monde entier.
À SUIVRE DANS NOTRE DOSSIER EXCLUSIF :
1- Un chef-d’œuvre architectural né de la pierre et de la spiritualité
Entre terrasses monumentales et rituels ancestraux
2- Un témoin clé des échanges transsahariens
Artéfacts et connexions : les preuves d’un réseau oublié
3- Diy-Gid-Biy et Sukur : un pont vers la paix ?
Une candidature pour réconcilier les territoires
4- Diy-Gid-Biy face à la double menace : l’urgence de sauver un patrimoine unique
5- Diy-Gid-Biy et Carnac : un duel planétaire pour la mémoire humaine
Pourquoi 2025 est une année charnière pour le patrimoine mondial
6- L’inscription à l’UNESCO : un catalyseur pour l’avenir
Tourisme, recherche et paix : les promesses d’un classement
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