Maroua, 23 décembre 2025 (CAPnews) – Le Septentrion camerounais, avec ses vastes potentialités agricoles et pastorales, reste pourtant un territoire en quête d’une industrialisation structurante. Dans ce paysage, certaines figures entrepreneuriales incarnent, par leur parcours et leur vision, l’espoir d’une transformation économique profonde. Monsieur Adamou Siddiki en est un parfait exemple. À la tête de la Nouvelle Tannerie du Cameroun (NOTACAM) depuis plus de deux décennies, il a fait de la transformation du cuir bien plus qu’un métier : une mission de développement local. Mais son influence dépasse les murs de son usine. En tant que Délégué régional du GECAM pour les trois régions du Nord, il plaide inlassablement pour un écosystème industriel plus favorable et plus dynamique.
Dans cet entretien exclusif, M. Siddiki se confie sans détour. Il revient sur son parcours d’entrepreneur enraciné, détaille les défis et la résilience d’une industrie confrontée à des contraintes multiples, et lève le voile sur un partenariat stratégique avec le Maroc qui pourrait redéfinir les standards du secteur. Il partage également sa vision pour l’avenir industriel du Septentrion et adresse un message concret à la nouvelle génération de porteurs de projets. Une plongée au cœur des réalités, des combats et des ambitions de l’industrie camerounaise, guidée par un acteur qui croit fermement que l’usine est un puissant levier de stabilité et de prospérité pour toute une région.
Monsieur Adamou Siddiki, pourriez-vous, en préambule, vous présenter à notre média et retracer les grandes lignes de votre parcours, tant professionnel qu’engagement régional ?
Votre nom est indissociable du secteur de la tannerie au Cameroun. S’agit-il d’une passion personnelle, ou plutôt d’un engagement que vous considérez comme une forme de sacerdoce économique ?
Il s’agit indéniablement des deux, et cet engagement remonte à mon jeune âge. Alors que beaucoup se tournaient vers la fonction publique, je rêvais déjà d’entrepreneuriat. La tannerie est une passion car elle valorise une ressource locale stratégique, le cuir, en y insufflant de l’innovation. C’est aussi une vocation et un challenge économique de haut niveau : créer de la valeur ajoutée sur place, générer des emplois durables et participer ainsi à la transformation structurelle de notre économie par l’industrialisation. C’est cette double dimension qui donne tout son sens à mon engagement quotidien.

Quel est, selon vous, le poids effectif, à la fois social et économique, de la Notacam au sein de l’écosystème industriel du Septentrion ?
La NOTACAM se conçoit comme un acteur structurant de l’écosystème du Septentrion. En transformant la principale matière première locale que sont les peaux, nous dynamisons des chaînes de valeur encore fragiles et contribuons à la création de centaines, voire de milliers d’emplois directs et indirects. Notre impact va au-delà de l’économique : nous stabilisons les revenus des éleveurs, nous développons un savoir-faire industriel précieux et nous boostons le secteur artisanal du cuir, véritable pilier centenaire de l’économie régionale qui nourrit des milliers de familles. Notre ancrage territorial est à la fois une force et une responsabilité.
La Notacam, forte de près de quarante ans d’existence, a connu des cycles de croissance et de difficultés. Comment analysez-vous cette trajectoire en dents de scie, et quels enseignements en tirez-vous pour l’avenir ?
Notre trajectoire, comme celle de nombreuses industries africaines, est forgée par l’adaptation à des défis à la fois structurels, comme l’insuffisance d’infrastructures routières, les difficultés d’accès à l’eau et à l’énergie, ou les contraintes logistiques, et conjoncturels, tels que les chocs exogènes des crises mondiales. Ces épreuves, bien qu’handicapantes, ont renforcé notre discipline stratégique et notre volonté d’intégration verticale. L’enseignement majeur est que la résilience industrielle ne s’improvise pas : elle passe impérativement par l’innovation, des partenariats robustes et un ancrage local profond. C’est cette trilogie qui garantit notre pérennité.

Des sources bien informées évoquent un projet de partenariat entre la Notacam et un acteur majeur marocain de la tannerie. Pouvez-vous nous éclairer sur la nature et les ambitions de cette collaboration ?
Effectivement, nous finalisons un partenariat stratégique avec un tannerie de référence basée à Fès, au Maroc. Cette collaboration vise un transfert de savoir-faire de haut niveau, particulièrement dans le finissage des peaux, pour monter en gamme et accéder à de nouveaux marchés. Il s’agit d’un véritable partenariat industriel, orienté vers la compétitivité et la valeur ajoutée locale. Pour le soutenir, nous comptons sur l’appui d’un partenaire financier institutionnel de premier plan, tel que la SNI, afin de répondre aux besoins conséquents en capital-investissement.

En tant que membre actif du Groupement des Entreprises du Cameroun (GECAM), quelles retombées concrètes un dirigeant de votre envergure peut-il attendre de cette affiliation ?
Le GECAM est bien plus qu’une affiliation ; c’est un levier stratégique essentiel. Pour un dirigeant de PME industrielle, il offre un cadre de dialogue, de plaidoyer et de mise en réseau de haut niveau. C’est notre interlocuteur privilégié auprès des pouvoirs publics sur des questions cruciales : fiscalité, réformes réglementaires, facilitation des affaires ou accès au financement. Le GECAM mobilise des experts pour analyser l’impact des politiques, porter nos préoccupations et défendre nos intérêts. C’est aussi un espace de solidarité et de vision collective, capable d’attirer des partenariats stratégiques et de jouer un rôle moteur dans l’industrialisation de notre région.
En votre qualité de Délégué régional du GECAM pour le Septentrion, quel rôle cette institution pourrait-elle jouer pour stimuler l’industrialisation d’un territoire encore insuffisamment pourvu en unités de production ?
En tant que Délégué régional, je considère que l’industrialisation du Septentrion est une nécessité économique et un impératif de stabilité sociale. Le GECAM a un rôle de catalyseur à jouer. Il doit structurer l’offre entrepreneuriale, plaider de manière concertée pour des infrastructures adaptées, et faciliter l’accès aux financements. Son pouvoir de mobilisation et son statut d’interlocuteur légitime auprès du gouvernement et des partenaires internationaux en font l’acteur idéal pour transformer les contraintes du territoire en opportunités d’investissement productif.
Pour conclure, si vous deviez formuler trois conseils à l’intention d’un jeune entrepreneur ambitionnant de s’implanter dans le Septentrion, quels seraient-ils ?
Je lui donnerais trois conseils essentiels, fruits de notre expérience.
Premièrement, ancrez-vous localement et pensez transformation.Comprenez les réalités du territoire et visez à créer de la valeur ajoutée sur place, plutôt que de vous limiter au simple commerce.
Deuxièmement, intégrez des réseaux structurés et restez dans le secteur formel. Rompre l’isolement entrepreneurial via des organisations comme le GECAM est vital pour la résilience, malgré un contexte parfois décourageant.
Troisièmement, faites de la qualité et de l’innovation vos mantras.C’est le seul moyen de bâtir une compétitivité durable et de vous différencier sur des marchés exigeants.
